Peu de pièces auront été autant jouées que La Cerisaie depuis sa création en 1904. Et supporté des éclairages des commentaires aussi contradictoires. Pièce-testament (Tchekhov meurt l'année même de la parution de la pièce) oeuvre charnière La Cerisaie referme doucement une porte sur un monde agonisant tandis qu'une autre s'entrouvre par où pénètre comme par effraction l'aube d'une ère nouvelle. Aube ou crépuscule ? Tchekhov ne tranche rien. Il décrit le neuf et l'ancien le passé comme l'avenir avec les mêmes couleurs indécises fluctuantes. Ses personnages ont l'allure de fantômes d'ombres blanches de marionnettes aux fils brisés. Leurs dialogues décousus hésitants laissent surgir des plages de silence un vide soudain mis à nu où résonnent d'étranges échos. On ne peut ici s'accrocher à rien. Même la mort paraît incertaine quand "la vie a filé et on dirait qu'elle n'a pas commencé". Ainsi posée en suspens la voix de Tchekhov son murmure ne cesse de nous interroger avec une douce insistance. --Scarbo