Ange ou démon. Étoile? filante peut-être mais étoile qui brilla au plus haut par son génie et son ambition. C'était Noureev. Rudi. Rudik Rudolph. Prénom choisi par sa mère Farida en hommage à Rudolph Valentino. Et quel séducteur que ce jeune Tatar un peu rustre ayant grandi entre sa mère aimante sa grande sœur et un père qui mettra des années à admettre le choix de son fils ! La force du roman de McCann réside dans son style narratif : raconter l'histoire de Noureev par l'intermédiaire (imaginaire et romancé) de divers acteurs de sa vie : sa sœur Serguei et Anna (qui le forma à Oufa et lui fit découvrir la danse et la musique) leur fille qui l'hébergea à Leningrad ses amis sa complice de scène et de coulisses la grande Margot Fonteyn ses amants sa gouvernante ou des anonymes fascinés par le talent du jeune garçon de l'époque… avec en filigrane une partie de l'histoire contemporaine soviétique dont certains aspects de la guerre froide semblent parfois un peu caricaturaux mais restent essentiels pour bien comprendre le contexte dans lequel évolua Noureev... et son exil ! Car l'étoile eut une vie à la hauteur de sa rage : pleine violente passionnée exigeante égoïste. Entre vampire génial qui pouvait tout sacrifier pour son art et ami dévoué généreux et fou. Il y a de la fascination et de l'agacement devant cet homme hors norme qui eut la force ? plutôt rare de nos jours ? d'assumer envers et contre tout son destin à force de travail d'acharnement. Car y compris ses détracteurs tous furent subjugués par cette énergie cette incandescence que dégageait Noureev qui ne vivait que pour la danse. L'image sulfureuse de l'amant "cherchant du sexe" à tout prix à tout moment plein d'excès et de dédain contribue à transformer en mythe cet animal de grâce de chair. Il mourut du sida en 1993. Danseur entre roman et biographie imaginaire passionne par son sujet et par ses ressorts chers à tout best-seller américains : exil sexe provocation malheur pathos… Mais on aime à rêver devant le désir d'absolu de ce jeune Tatar de Oufa devenu un mythe qui tout petit se cachait pour danser. --Marine Segalen